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Permettez-moi d’abord de me présenter. Travaillant sur mandat pour le service des forêts et des paysages du canton du Valais, ma tâche consiste à sensibiliser les Valaisans au monde des serpents et à leur expliquer le comportement à adopter en présence de reptiles. Si nécessaire, je me déplace chez les privés pour régler différents problèmes liés aux serpents découverts chez eux ou dans leur environnement immédiat. Je les capture et les relâche dans des endroits plus adaptés à leur bien-être. Outre ces interventions ponctuelles, j’observe des vipères dans tout le Valais, recherche de nouveaux biotopes propices à leur existence, ceci depuis bientôt 40 ans.
En ma qualité de spécialiste, je ne peux rester sans réagir aux diverses explications et aberrations exprimées dans le Postulat de Fredy Arnold que relaye l’article paru ce 13 juin 2014 dans l’édition du Nouvelliste.
Beaucoup de questions me viennent à l’esprit : Quelles sont les compétences de ces pseudos Herpétologistes pour débiter autant de bêtises sur les serpents ? Pourquoi ne pas s’adresser directement à des gens dont c’est le métier, à des spécialistes dont je fais partie qui, à longueur d’année, observent et étudient le comportement des reptiles ? De nombreuses erreurs et lacunes dues à une méconnaissance de ce domaine très spécial apparaissent à propos des serpents immigrés ou importés.
Pour résumer la situation, je vous dirai que :
- Les vipères Aspic Atra sont très répandues en Valais. Les populations les plus importantes se situent entre 1400 et 1800m d’altitude. Très discrets, ces animaux ne s’observent que difficilement. Des rencontres avec des randonneurs sont tout à fait fortuites.
- Quand vous envisagez des rencontres problématiques, vous devriez fournir plus de précisions concernant les lieux, les dates, les personnes concernées….. Se cantonner dans des théories de village ou des ragots de bistrots ne sert à rien. Vos sources doivent être fiables et précises.
- Vous prétendez que les serpents ne s’installent pas habituellement dans des maisons occupées. Erreur ! Il n’est pas rare que des serpents entrent dans des appartements, chalets ou villas surtout quand il fait trop chaud et que les portes fenêtres donnent sur une pelouse. Je sais de quoi je parle car j’en récupère environ 20 à 30 par an à travers le Valais. Je précise que la majorité des individus récupérés ne sont pas des vipères mais des couleuvres d’Esculape ou des coronelles lisses. En aucun cas, cela ne signifie qu’il y a plus de serpents dans notre canton.
- Vous évoquez l’école de Täsch. Les serpents ne font pas de distinction dans les habitats. Ils se faufilent aussi bien dans les écoles que dans les appartements. Ce n’est pas un cas particulier. Pour l’anecdote, j’ai souvent été appelé pour intervenir dans des écoles à Verbier, Conthey, Châteauneuf….. Personne ne paniquait. Mes explications suffisaient à rassurer des enfants qui n’éprouvent d’ailleurs aucune crainte vis-à-vis des reptiles malgré les légendes que les adultes prennent un malin plaisir à leur ressasser à tout bout de champ. Ces gamins font preuve d’une grande ouverture d’esprit envers la nature et leurs parents feraient bien de les imiter. Sachez que la région de Täsch n’est pas le lieu le plus peuplé du Valais en vipères. Les deux vallées de Saas sont celles qui, en Valais, comportent les plus petites populations de cette espèce.
- Vous citez d’autres incidents survenus dans la région, sans donner aucune explication. Que s’est-il réellement passé ? En quel endroit ? Chez qui ? A quel moment ? Avec quel type de serpent ? Vous restez dans le vague absolu. De telles allégations doivent obligatoirement être accompagnées d’un rapport détaillé et je n’en vois pas.
- Qu’en est-il de la recrudescence des serpents et de l’introduction de nouvelles espèces ? On évoque ce problème depuis 40 ans. Or, il est impossible de relâcher en grand nombre d’autres individus dans des populations indigènes existantes. Les arrivants seraient automatiquement éliminés faute de territoires et de nourriture en suffisance pour des populations supplémentaires. Il n’existe aucun élevage qui permettrait d’obtenir une quantité pareille de vipères d’autant plus que ces animaux sont très sensibles à la captivité et se reproduisent difficilement dans ces conditions. En ce qui concerne l’allongement des épisodes de fortes chaleurs, vous faites encore erreur. Les serpents n’aiment guère les températures élevées. Ils se cachent. On en voit donc beaucoup moins.
- Le genre COLUBER n’existe plus dans le langage herpétologique. Il s’agit du genre Hiérophis viridiflavus ou couleuvre verte et jaune. Ce serpent est le plus rapide de la faune herpétologique. Son agressivité n’est remarquée qu’en cas de capture , ce qui est formellement interdit vu la protection totale des reptiles en Suisse. Nouvelle erreur à relever : les populations de vertes et jaunes viennent du côté du Léman et entrent en Valais depuis cet endroit. Par contre, il est vrai que ces reptiles colonisent très gentiment le Valais (observations personnelles d’individus à Martigny, Dorénaz, Brig, etc…) Je rappelle que ce serpent est totalement inoffensif et se nourrit de rongeurs et de serpents dont des vipères. On dit qu’il est ophiophage.
- Dans l’article du Nouvelliste de ce 13 juin 2014, Julien Wicky souligne le fait que des espèces importées ou immigrées existent chez nous. Il faut savoir que les espèces ne se reproduisent pas entre elles et qu’on ne peut hybrider une vipère avec une couleuvre verte et jaune. C’est génétiquement impossible. Je serais curieux que vous me donniez le nom de cette espèce de serpents dangereux qui vit à la frontière du Haut -Valais et que je connais bien.
J’aimerais beaucoup avoir vos explications à propos des différents points auxquels je fais allusion. A l’occasion, je me ferai un plaisir de vous donner un cours d’herpétologie ou de vous envoyer une invitation pour assister à l’une de mes conférences, ce qui vous permettrait d’améliorer vos connaissances plutôt limitées, c’est un fait. Vos remarques sont les bienvenues et ce la me plaira beaucoup d’échanger des propos de vive voix sur ce sujet avec vous.
N’avez-vous donc rien de sérieux à traiter au Grand Conseil, pauvres personnes étriquées que vous êtes ? J’espère une réponse de votre part et vous présente mes salutations distinguées.
Yves Brunelli